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Article 669 du CGI : Comprendre le barème fiscal de l’usufruit et de la nue-propriété

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Vous envisagez de transmettre votre patrimoine immobilier à vos enfants tout en conservant certains droits sur vos biens ? Le démembrement de propriété constitue une solution patrimoniale pertinente pour réaliser cette opération. Lors d’une succession, d’une donation ou d’une vente avec réserve d’usufruit, la connaissance du barème fiscal défini par l’article 669 du Code Général des Impôts (CGI) s’avère fondamentale. Ce barème détermine la valeur respective de l’usufruit et de la nue-propriété, impactant directement le montant des droits de mutation à acquitter. Comprendre ce mécanisme vous permettra d’optimiser la transmission de votre patrimoine et de prendre des décisions éclairées sur votre stratégie patrimoniale.

Les fondamentaux du démembrement de propriété

Le démembrement de propriété consiste à séparer les droits attachés à un bien entre deux titulaires distincts : l’usufruitier et le nu-propriétaire. La pleine propriété d’un bien regroupe trois prérogatives essentielles : l’usus (droit d’utiliser le bien), le fructus (droit d’en percevoir les revenus) et l’abusus (droit d’en disposer, de le vendre ou de le donner).

L’usufruitier bénéficie de l’usage du bien et de ses fruits. Concrètement, il peut habiter dans le logement ou le mettre en location pour percevoir des loyers. Il assume les charges courantes comme l’entretien du bien, les taxes foncières et d’habitation, ainsi que l’imposition des revenus générés par le bien. L’usufruit s’éteint automatiquement au décès de l’usufruitier ou à l’échéance prévue dans le cas d’un usufruit temporaire.

Le nu-propriétaire détient quant à lui l’abusus, c’est-à-dire le droit de disposer juridiquement du bien, sans pouvoir l’utiliser ni en percevoir les revenus. Il ne supporte que les grosses réparations définies par l’article 606 du Code civil (murs porteurs, toiture, etc.). À l’extinction de l’usufruit, il récupère automatiquement la pleine propriété sans nouvelle imposition.

Le barème légal défini par l’article 669 du CGI

L’article 669 du CGI établit un barème fiscal précis pour évaluer la valeur respective de l’usufruit et de la nue-propriété. Ce barème, en vigueur depuis le 1er janvier 2004, a remplacé l’ancien barème qui comportait des tranches plus fines. Il s’applique obligatoirement pour la liquidation des droits d’enregistrement et de la taxe de publicité foncière dans le cadre des mutations à titre gratuit ou onéreux.

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Âge de l’usufruitierValeur de l’usufruitValeur de la nue-propriété
Moins de 21 ans révolus90 %10 %
Moins de 31 ans révolus80 %20 %
Moins de 41 ans révolus70 %30 %
Moins de 51 ans révolus60 %40 %
Moins de 61 ans révolus50 %50 %
Moins de 71 ans révolus40 %60 %
Moins de 81 ans révolus30 %70 %
Moins de 91 ans révolus20 %80 %
Plus de 91 ans révolus10 %90 %

Ce barème repose sur un principe simple : plus l’usufruitier est jeune, plus la valeur de l’usufruit est élevée, car sa durée prévisible sera longue. À l’inverse, plus l’usufruitier est âgé, plus la valeur de la nue-propriété augmente, puisque la réunion des deux droits interviendra probablement plus rapidement.

Application pratique du barème dans différentes situations

Pour illustrer l’application concrète du barème, prenons quelques exemples de situations courantes où le démembrement intervient.

Exemple 1 : Donation avec réserve d’usufruit
Un couple de 59 ans souhaite donner la nue-propriété de leur résidence secondaire estimée à 400 000 € à leurs deux enfants, tout en conservant l’usufruit. Selon le barème, à cet âge, l’usufruit vaut 50% et la nue-propriété 50%. La valeur de la nue-propriété transmise est donc de 200 000 €, soit 100 000 € par enfant. Grâce à l’abattement de 100 000 € par parent et par enfant en matière de donation, aucun droit de donation ne sera dû.

Exemple 2 : Vente d’un bien démembré
Un bien immobilier détenu en démembrement est vendu 300 000 €. L’usufruitier a 75 ans. Selon le barème, l’usufruit représente 30% de la valeur totale, soit 90 000 € pour l’usufruitier. Le nu-propriétaire recevra 70%, soit 210 000 €. Cette répartition s’applique au prix de vente, indépendamment des accords que pourraient conclure les parties.

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Exemple 3 : Succession avec conjoint survivant
Un défunt laisse un patrimoine immobilier de 500 000 € à son épouse (68 ans) et ses deux enfants. Le conjoint survivant opte pour l’usufruit total. Selon le barème, l’usufruit vaut 40% (moins de 71 ans), soit 200 000 €. La nue-propriété représente 60%, soit 300 000 € (150 000 € par enfant).

Cas particulier de l’usufruit temporaire

Le paragraphe II de l’article 669 du CGI prévoit un régime spécifique pour l’usufruit à durée fixe, distinct de l’usufruit viager qui s’éteint au décès de l’usufruitier. Pour un usufruit temporaire, la valeur est fixée à 23% de la valeur en pleine propriété pour chaque période de 10 ans, sans possibilité de fraction.

Ainsi, un usufruit de 10 ans vaut 23% de la pleine propriété, un usufruit de 20 ans vaut 46%, et un usufruit de 30 ans vaut 69%. Toutefois, cette valeur ne peut jamais excéder celle déterminée en application du barème de l’usufruit viager basé sur l’âge de l’usufruitier.

Par exemple, si vous donnez à votre enfant un usufruit temporaire de 10 ans sur un appartement locatif estimé à 200 000 €, la valeur fiscale de cet usufruit sera de 46 000 € (23% de 200 000 €). Cette solution peut s’avérer intéressante pour financer les études d’un enfant grâce aux revenus locatifs, tout en récupérant automatiquement la pleine propriété au terme de la période fixée.

Stratégies patrimoniales utilisant le démembrement

Le démembrement de propriété offre plusieurs avantages fiscaux qui en font un outil privilégié de transmission patrimoniale anticipée.

La donation avec réserve d’usufruit permet de transmettre la nue-propriété d’un bien à ses héritiers tout en conservant l’usage et les revenus du bien. Cette stratégie présente trois avantages majeurs : la réduction de l’assiette taxable (seule la valeur de la nue-propriété est soumise aux droits de donation), la neutralité fiscale lors de la reconstitution de la pleine propriété au décès de l’usufruitier (article 1133 du CGI), et la possibilité de bénéficier plusieurs fois des abattements fiscaux en matière de donation (renouvellement tous les 15 ans).

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L’usufruit successif constitue une variante intéressante pour les couples. Il s’agit d’une clause permettant au conjoint survivant de récupérer gratuitement l’usufruit à la disparition du premier usufruitier. Les enfants ne récupèrent alors la pleine propriété qu’au décès du second parent. En cas de décès avec usufruit successif, les droits sont recalculés en tenant compte de l’âge du parent survivant, ce qui peut donner lieu à un remboursement partiel des droits de donation si le conjoint survivant est plus jeune.

Limites et précautions à prendre

Si les parties restent libres de fixer contractuellement le prix de l’usufruit et de la nue-propriété comme elles l’entendent, l’administration fiscale retiendra systématiquement la valeur résultant de l’application du barème légal pour la liquidation des droits de mutation. Cette règle s’applique même lorsque le prix stipulé est supérieur à la valeur déterminée par le barème, comme l’a confirmé une réponse ministérielle (RM Grosskost, n° 55175, JO AN du 28 juin 2005).

Le barème fiscal présente certaines limites qu’il convient de connaître. Il utilise des paliers fixes de dix ans qui peuvent créer des effets de seuil importants. Un usufruitier de 70 ans et 11 mois verra son usufruit valorisé à 40%, tandis qu’un mois plus tard, cette valeur tombera à 30%. Ce barème ne tient pas compte non plus des différences d’espérance de vie entre hommes et femmes, ni des spécificités économiques du bien concerné (rendement locatif, état du bien, etc.).

Aspects juridiques et fiscaux à considérer

Le démembrement de propriété entraîne diverses implications juridiques et fiscales qu’il convient d’anticiper. En matière d’imposition, l’usufruitier supporte l’impôt sur le revenu pour les revenus générés par le bien (revenus fonciers), la taxe foncière, la taxe d’habitation, et l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour la valeur en pleine propriété du bien.

Le nu-propriétaire bénéficie d’une position fiscale allégée puisqu’il n’est redevable ni des impôts sur les revenus locatifs, ni des taxes foncières et d’habitation. Le bien démembré n’entre pas non plus dans l’assiette de son IFI, ce qui constitue un avantage significatif pour les patrimoines importants.

Les aspects légaux du démembrement sont encadrés par les articles 578 à 636 du Code civil, qui définissent les droits et obligations respectifs de l’usufruitier et du nu-propriétaire. Les modalités techniques d’application du barème fiscal sont précisées dans le Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFiP : BOI-ENR-DMTG-10-40-10-50).

Pour conclure, le démembrement de propriété représente un outil d’optimisation patrimoniale puissant, mais sa mise en œuvre requiert une analyse approfondie de votre situation personnelle et de vos objectifs. Nous vous recommandons vivement de consulter un professionnel du patrimoine (notaire, avocat fiscaliste ou conseiller en gestion de patrimoine) avant d’entreprendre une telle démarche. Ce spécialiste pourra vous proposer une stratégie sur mesure, tenant compte des spécificités de votre patrimoine et de l’évolution constante de la législation fiscale.

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